Article publié le 20 août 2019

Les principales maladies rénales

Il existe une grande diversité de pathologies rénales (appelées néphropathies) susceptibles d’affecter le bon fonctionnement des reins et donc de conduire à une insuffisance rénale chronique. Certaines sont bénignes et ne nécessitent même parfois aucun traitement, d’autres conduisent à des affections lourdes entraînant des complications graves susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital.

On distingue :

Les maladies glomérulaires

On désigne sous ce terme les troubles affectant les glomérules rénaux, ces petits amas filtrants contenus dans les néphrons, l’unité fonctionnelle du rein. On parle aussi de glomérulopathies ou glomérulonéphrites.

Ce sont des maladies graves souvent associées à des syndromes inflammatoires et qui conduisent à une insuffisance rénale chronique nécessitant un traitement supplétif par dialyse.

Les glomérulopathies représentent environ 30 à 40% des cas d’insuffisance rénale chronique terminale. Elles sont classées en plusieurs catégories, selon les types d’anomalies constatées.

LA GLOMÉRULONÉPHRITE

Aussi appelé syndrome néphrotique, la glomérulonéphrite se caractérise par une inflammation des glomérules, cette petite pelote de vaisseaux sanguins microscopiques contenus dans les néphrons (unité filtrante du rein).

En principe, les glomérules filtrent le plasma sanguin permettant au liquide et à de petites molécules de circuler dans les tubules pour y être filtrés et éventuellement éliminés. Toutefois, ils ne laissent pratiquement pas passer de protéines et de cellules sanguines.

Or, en cas d’inflammation, la perméabilité augmente : les capillaires des glomérules subissent des lésions et, comme les mailles d’un tamis qui s’écartent, laissent échapper des globules rouges et des protéines que l’on retrouve alors dans l’urine.

Le processus inflammatoire à l’origine de la maladie est généralement bilatéral et affecte les glomérules des deux reins.

L’inflammation peut aussi toucher les tubules et les tissus qui les entourent. On parle alors de néphrite tubulo-interstitielle.

La glomérulonéphrite est dite primitive, c’est-à-dire que sa cause concerne uniquement le rein, ou dite secondaire, lorsque sa cause relève de pathologies affectant d’autres organes ou l’organisme tout entier.

L’origine de ces inflammations est souvent liée à une infection ou à un trouble génétique héréditaire. Elles peuvent également être le fait d’une réaction anormale du système immunitaire, que ce soit dans le cas d’une maladie auto-immune ou bien dans celui d’un dysfonctionnement lorsque des anticorps viennent se fixer directement dans les cellules rénales.

Plus les glomérules sont touchés, plus la fonction rénale se voit réduite d’autant.

Le diagnostic est formé à partir d’analyses de sang et d’urine, confirmé par des examens d’imagerie, voire une biopsie des reins.

La glomérulonéphrite peut être constatée sous une forme aigüe ou chronique.

La glomérulonéphrite dans sa forme aigüe se développe sur une courte durée, le plus souvent à la suite d’une infection bactérienne (streptocoques, staphylocoques, etc.), virale (varicelle par exemple) ou parasitaire (paludisme). Elle peut également survenir en cas de troubles immunologiques, vasculaires ou de nature inflammatoire (lupus, vaisseaux sanguins).

Dans la moitié des cas, il n’y pas de symptôme visible. Dans les autres cas, elle peut se traduire par l’apparition soudaine de sang (hématurie) et de protéines (protéinurie) dans l’urine.

Sur le plan physiologique, on constate des œdèmes (gonflements des tissus dus à la rétention d’eau), un volume d’urine réduit, une asthénie, une hypertension et de la fièvre, parfois aussi une perte d’appétit, des nausées, des vomissements et des douleurs articulaires.

En général, le pronostic est bon. Elle peut être traitée avec une rémission complète dans environ 90 à 95% des cas. Néanmoins, elle peut évoluer vers une insuffisance rénale chronique chez 1% des enfants et 10% des adultes.

La glomérulonéphrite dite chronique s’installe, elle, au cours d’une évolution lente qui réduit progressivement la fonction rénale, en quelques mois ou quelques années, parfois jusqu’à trente années. Les symptômes sont discrets au début, ce qui fait que la maladie n’est pas toujours diagnostiquée à temps.

Les néphropathies tubulo-interstitielles

Il s’agit là d’un ensemble de pathologies associées à des troubles cliniques hétérogènes, provoquant des lésions des tubules et une inflammation de l’interstitium, une région du rein entourant les tubules rénaux et composée d’un ensemble de cellules, de matrice extracellulaire et de liquide.

LA NÉPHRITE TUBULO-INTERSTITIELLE 

La néphrite tubulo-interstitielle peut survenir à la suite d’une infection, d’une réaction allergique à un médicament (prise excessive d’antalgiques) ou à un agent toxique (métaux lourds), ou encore à des troubles d’ordre métabolique ou immunologique. Elle est causée par une inflammation des tubules et à un œdème dans l’interstitium, due à l’infiltration de cellules inflammatoires (lymphocytes, plasmocytes, etc.).

Dans sa forme aigüe, le délai d’apparition des symptomes peut s’étaler sur quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. Elle provoque une insuffisance rénale aigüe. Une fois traitée, la fonction rénale se rétablit dans un délai de 6 à 8 semaines. En revanche, si elle n’est pas traitée à temps (par exemple traitement de l’infection ou arrêt du médicament responsable), les lésions peuvent devenir irréversibles, entraînant alors une insuffisance rénale chronique.

Le diagnostic s’établit généralement à partir d’une analyse d’urine (recherche de sédiments urinaires), d’examens sanguins, complétés par une échographie, voire si nécessaire une biopsie rénale.

Les causes de la néphrite tubulo-interstitielle chronique sont plus larges que dans la forme aigüe. Elles peuvent être d’origine génétique (maladies kystiques rénales), métabolique, toxique (exposition à des métaux lourds) ou encore immunologique.

Ceci explique qu’elle peut se développer sur plusieurs années, sans symptome apparent. La difficulté est de donc de la détecter le plus précocement possible avant qu’une fibrose irréversible ne survienne.

Le traitement, comme pour la forme aigüe, consiste à en éliminer la cause lorsque c’est possible, par exemple l’arrêt du médicament responsable.

Un petit nombre (moins de 2%) de néphropathies est dû à des intoxications par des médicaments, des produits toxiques industriels (métaux lourds, hydrocarbures, etc.) et environnementaux de type mycotoxines (champignons, moisissures).

Sur le plan expérimental, le rôle nuisible pour les reins de nombreuses substances a été clairement établi, notamment les hydrocarbures, la silice, les métaux lourds (plomb, cadmium, cuivre, etc.). Ainsi, une exposition à ces métaux pendant des périodes de cinq à 30 ans va entraîner un dysfonctionnement de la fonction des tubules du rein, dégradant l’excrétion des déchets, par atrophie des tissus.

Il reste toutefois très difficile d’établir dans la plupart des cas et de façon formelle – l’exposition au mercure exceptée – un lien de cause à effet en milieu professionnel. D’une part, en raison de leur évolution lente, d’autre part, à cause de l’absence de signes anatomiques et cliniques spécifiques permettant d’identifier la nature du toxique en cause.

Le traitement consiste à éliminer l’exposition à la substance toxique et à pratiquer une désintoxication par voie de chélation (élimination de métaux nuisibles dans le sang à l’aide d’une substance chimique ou organique), et en cas d’échec une hémodialyse.

LA NÉCROSE TUBULAIRE AIGÜE

La nécrose tubulaire aigüe peut avoir de très nombreuses causes. Les principales sont une hypotension artérielle (le rein ne reçoit alors pas suffisamment de sang), une septicémie (réaction forte du système immunitaire suite à une infection grave et généralisée) ou des médicaments et agents chimiques néphrotoxiques.

Elle entraîne une lésion aigüe et un dysfonctionnement des tubules qui jouent un rôle important dans la filtration du sang et l’élimination des déchets.

Elle se développe généralement sans symptôme apparent et se détecte par des examens de laboratoire (sang et urine). Dans les cas où elle est sévère, elle entraîne une production anormalement basse d’urine par l’organisme (oligurie, moins de 500 ml/24 heures).

Son traitement consiste à corriger le trouble ayant causé la nécrose tubulaire aigüe, par exemple l’arrêt des médicaments ayant provoqué l’atteinte rénale. Si nécessaire, des fluides sont prescrits par voie intraveineuse pour maintenir un flux sanguin normal vers les reins.

Chez les patients en bonne santé, le pronostic est favorable à court terme quand la cause de la lésion sous-jacente est traitée, et la situation redevient normale sous une à trois semaines.

Chez les patients souffrant déjà d’autres pathologies graves (insuffisance rénale chronique, diabète sucré, maladie hépatobiliaire avancée, etc.), le taux de mortalité est cependant plus élevé, en particulier pour ceux qui doivent être pris en charge en unité de soins intensifs, même si les lésions tubulaires rénales sont légères.

Les troubles rénovasculaires

LA NÉPHROANGIOSCLÉROSE

Cette maladie rénale est causée par une hypertension le plus souvent ancienne, mal ou pas traitée.

La fonction rénale se dégrade progressivement, avec une lésion des petits vaisseaux sanguins, des glomérules des tubules, et des tissus interstitiels, pour évoluer vers le stade terminal de l’insuffisance rénale. Cependant, certains chercheurs remettent en cause cette explication et penchent plutôt pour dire que c’est la dégradation de la fonction rénale qui causerait une hypertension, les deux facteurs contribuant ensuite chacun en boucle à une auto-aggravation.

Elle est diagnostiquée dans sa forme bégnine, avec une évolution lente vers le stade terminal de la maladie rénale. Mais elle peut aussi constituer une urgence en cas d’hypertension grave. On parle alors de néphrosclérose maligne artériolaire.

Les facteurs de risque sont l’âge avancé, une hypertension artérielle modérée à sévère mal contrôlée, auxquels peuvent s’ajouter d’autres problèmes rénaux.

Les populations d’origine afro-américaine présentent un risque plus élevé, sans que l’on sache précisément si c’est lié à des prédispositions génétiques ou à une hypertension artérielle fréquemment moins traitée dans ces populations.

Le meilleur moyen de combattre ce cercle vicieux est de contrôler strictement la pression artérielle pour la normaliser, ce qui engendrerait un pouvoir néphroprotecteur.

LA STÉNOSE DES ARTÈRES RÉNALES 

Cette maladie apparaît à la suite d’une occlusion de l’une ou des deux artères rénales principales ou de leurs branches causant une diminution du flux sanguin. En cas d’interruption totale, on parle d’infarctus rénal.

Elle peut être due à un caillot, une athérosclérose ou une dysplasie fibromusculaire.

Les signes qui doivent alerter sont une douleur permanente à l’abdomen, de la fièvre, des nausées et vomissements, et du sang dans les urines.

Celle-ci peut être chronique et progressive, entraînant une hypertension et une insuffisance rénale chronique. Elle est alors traitée par angioplastie (avec pose d’un stent) ou par pontage chirurgical.

Dans sa forme aigüe, elle est traitée par administration d’anticoagulants et fibrinolytiques et/ou par chirurgie (embolectomie).

L’ATHÉRO-EMBOLISME RÉNAL

Dans cette maladie, les petites artères rénales sont obstruées partiellement par des amas de cholestérol issus de la rupture de plaques athéromateuses, par exemple à la suite d’une chirurgie vasculaire. L’embolie provoque alors une diminution du flux sanguin. Les symptômes sont ceux de l’insuffisance rénale.

Le traitement consiste à réduire la cause de l’embole autant que possible et de modifier les facteurs de risque.

LA NÉCROSE CORTICALE RÉNALE

Cette affection rare (moins de 2% des cas d’insuffisance rénale) résulte de la destruction du tissu cortical (partie la plus externe du rein) par calcification, à la suite d’une diminution du flux sanguin due à des lésions des petits vaisseaux du rein. Elle évolue vers une insuffisance rénale aigüe.

C’est une maladie rare qui se manifeste chez le nourrisson ou la femme enceinte à la suite de complications de la grossesse.

Le traitement consiste en une prise en charge par hémodialyse.

LA THROMBOSE DE LA VEINE RÉNALE

Cette pathologie intervient lorsqu’une ou les deux veines rénales sont obturées par un caillot de sang (ou thrombus). C’est l’une des principales complications de certaines maladies rénales, telles que le syndrome néphrotique, le cancer du rein, et parfois aussi à la suite d’inflammations des vaisseaux et de traumatismes, pouvant résulter en une anomalie du processus de coagulation entraînant une hypercoagulation.

C’est une affection très douloureuse, proche de la colique néphrétique.

Le diagnostic est posé par examen d’imagerie (échographie Doppler, tomodensitométrie) et permet d’engager rapidement un traitement anticoagulant adapté afin d’éviter une embolie pulmonaire.

Les maladies congénitales et héréditaires

LA MALADIE POLYKYSTIQUE RÉNALE (MPKR)

La maladie polykystique rénale (aussi appelée polykystose rénale) est une maladie héréditaire qui se traduit par la formation d’une multitude de kystes remplis de liquide dans les reins.

Les reins atteints sont plus gros que la normale et ont un aspect boursouflé en raison des kystes emplis de liquide. La pression qu’ils exercent sur le tissu rénal normal au fur et à mesure qu’ils grossissent, ainsi que la cicatrisation du tissu de soutien normal peuvent entraîner une insuffisance rénale, qui s’ajoute souvent à d’autres problèmes de santé (hypertension, calculs rénaux, infections urinaires et rénales, etc.).

Environ 5% des personnes qui sont traités pour une insuffisance rénale par dialyse ou par transplantation rénale sont atteintes de cette maladie.

Elle revêt deux formes principales. La plus courante est la maladie polykystique autosomique dominante (ou MPAD), qui touche environ une naissance sur mille. Elle apparaît chez l’adulte, entre l’âge de 30 et 60 ans, par le biais d’une transmission génétique de l’un des deux parents, donc avec un risque de 50%. Si le gène n’est pas transmis, il n’y a pas de risque de développer la maladie et donc de la transmettre à ses propres enfants.

La MPAD est due à des anomalies génétiques soit sur le gène PKD1 situé sur le chromosome 16 (85% des cas), soit sur le gène PKD2 sur le chromosome 4.

Elle est en général associée à d’autres pathologies et complications : infection urinaire, calculs rénaux, hypertension artérielle, etc. Elle évolue progressivement vers l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), nécessitant un traitement supplétif par hémodialyse ou transplantation rénale.

L’autre forme est la maladie polykystique autosomique récessive (MPAR), beaucoup plus rare, et qui affecte surtout les bébés et les jeunes enfants. Elle est transmise lorsque les deux parents sont chacun porteurs du gène défectueux.

Quand elle survient chez l’enfant, elle s’accompagne généralement d’une insuffisance rénale sévère, associée à une fibrose hépatique (épaississement pathologique du tissu hépatique), pouvant entraîner de nombreuses complications, voire le décès. Une double transplantation rein-foie constitue le seul traitement efficace.

LE SYNDROME D’ALPORT 

C’est une maladie héréditaire rare (1 cas sur 50.000) définie par la présence d’une néphropathie glomérulaire avec hématurie, qui évolue progressivement vers une insuffisance rénale chronique terminale, d’une surdité et parfois également d’une atteinte oculaire.

Des mutations de certains gènes sur le chromosome X (80% des cas) ou sur le chromosome 2 (version récessive de la maladie) entraînent des anomalies dans le codage de la production de collagène de type IV, qui compose une structure nécessaire au soutien des cellules : la membrane basale des glomérules du rein. Ces derniers fonctionnent moins bien, ce qui dégradent alors la fonction de filtration du sang.

Le diagnostic de ce syndrome repose sur l’analyse des antécédents familiaux, les symptômes cliniques (œdèmes, hypertension artérielle, prise de poids) et une biopsie rénale (et notamment l’examen de la membrane base des glomérules au microscope électronique.

Outre la pose parfois nécessaire d’un appareillage auditif, les patients se voient proposés alors soit un traitement par hémodialyse ou dialyse péritonéale ou une transplantation rénale. Toutefois, dans ce dernier cas, des complications (néphrite) sont parfois constatées chez 10% des personnes greffées.