Article publié le 18 septembre 2019

Dépistage de l’insuffisance rénale : comprendre ses analyses

L’insuffisance rénale chronique est une maladie qui s’installe très lentement, subrepticement au fil des ans et en silence. C’est la raison pour laquelle elle est souvent si difficile à repérer au stade précoce et que le dépistage est si important. Quand elle est détectée, malheureusement, il est bien souvent trop tard.

La découverte d’une maladie rénale chronique intervient souvent de façon fortuite, à l’occasion d’un bilan sanguin prescrit pour une toute autre raison et d’une analyse d’urines.

En revanche, si vous êtes suivis pour un diabète et/ou une hypertension artérielle, qui sont des facteurs de risque de la maladie rénale chronique, un dépistage annuelle au moyen d’un test urinaire et d’une prise de sang permet généralement de repérer un début de détérioration de la fonction rénale.

Quels sont les symptômes de l’insuffisance rénale ?

Les premiers symptômes au stade précoce de l’insuffisance rénale chronique n’ont rien de spécifique. Les premiers signes peuvent être interprétés comme étant sans rapport avec des problèmes rénaux, comme une grande fatigue générale (asthénie), une pâleur, des troubles digestifs, un amaigrissement, une miction douloureuse, des crampes ou des œdèmes. Mais même le fait d’uriner normalement n’est pas en contradiction avec l’existence d’une insuffisance rénale, même sévère. C’est pourquoi il est difficile de poser un diagnostic fiable de façon précoce sans dépistage.

Les principaux symptômes de l’insuffisance rénale chronique sont :

  • une grande fatigue ;
  • une pâleur ;
  • une hypertension artérielle ;
  • une anémie ;
  • des douleur à la miction et diminution du volume d’urine ;
  • des mictions plus fréquentes ;
  • une urine mousseuse, trouble ou de couleur foncée ;
  • une enflure des pieds, des chevilles, des jambes ou des paupières ;
  • des maux de tête et nausées ;
  • des troubles digestifs (perte d’appétit, vomissement, mauvais goût en bouche) ;
  • une perte de poids inexpliquée ;
  • Somnolence, ralentissement psychomoteur ;
  • Des troubles du sommeil ;
  • Douleur dans le milieu, le bas du dos ou sur les côtés du bassin ;
  • Des crampes ;
  • Des démangeaisons persistantes.

Si l’on constate un ou plusieurs de ces symptômes, il ne faut pas hésiter à en parler à son médecin traitant afin d’effectuer un dépistage. Il pourra prescrire une analyse des urines et une prise de sang, à réaliser dans un laboratoire d’analyses médicales.

Les examens de dépistage : protéinurie, albuminurie et créatininémie

Le dépistage des maladies rénales se fait principalement via une prise de sang et une analyse d’urines. Ces deux examens vont permettre de repérer des anomalies et de commencer à poser un diagnostic.

Les urines peuvent être recueillies à n’importe quel moment de la journée. Afin de dépister une dysfonction rénale, il sera recherché la présence de protéines dans les urines (protéinurie) et d’albumine chez une personne diabétique. A noter, les urines d’une personne en bonne santé ne contiennent aucune protéine ni albumine.

La prise de sang permet pour sa part de doser la créatininémie, c’est-à-dire le taux de créatinine sanguine. La créatinine est un dérivé d’un composant musculaire, la créatine, elle-même synthétisée par le foie et stockée dans les muscles pour servir à la production d’énergie. La créatinine résulte de la dégradation de la créatine, c’est donc un déchet transporté par le sang, filtrée par les reins et éliminée dans les urines.

La concentration normale de créatinine dans le sang est comprise entre 6 et 12 milligrammes par litre chez l’homme et entre 4 et 10 mg/l chez la femme.

Si le taux de créatinine augmente dans le sang, cela signifie que la filtration par les reins fonctionne mal et qu’il y a insuffisance rénale. Le dosage de la créatinine permet donc d’estimer le débit de filtration par le glomérule, ce qui traduit les capacités du rein à éliminer les déchets de l’organisme.

LA CLAIRANCE DE LA CRÉATININE

Cette mesure permet de mesurer à quelle vitesse la créatinine est évacuée par le sang, le tout rapporté au poids de la personne. C’est ce qu’on appelle la clairance de la créatinine. En mesurant la rapidité d’élimination de cette molécule, on peut ainsi avoir une bonne estimation du débit de filtration glomérulaire (DFG). Ce dernier est directement corrélé au nombre de néphrons qui fonctionnent dans les reins. Plus ce nombre diminue au fil des ans, plus la fonction rénale est affectée.

Ce qu’il faut retenir : la clairance de la créatinine et le débit de filtration glomérulaire sont donc des mesures équivalentes.

Un calcul normal de la clairance urinaire de créatinine est compris entre 107 et 139 millilitres par minute chez l’homme de moins de 40 ans, et entre 87 et 107 ml/min chez la femme de moins de 40 ans.

ESTIMATION DU DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE

Si l’on regarde un exemple de résultats d’analyses sanguines (voir tableau ci-dessous), on voit qu’il existe trois formules pour estimer le DFG.

1. La formule de Cockcroft : elle tient compte notamment du poids de la personne, de son âge et de la créatininémie. Elle permet d’estimer la clairance de la créatinine et donc renseigne sur la fonction rénale. Toutefois, elle n’est pas applicable dans un certain nombre de cas (enfant, patient obèse, femme enceinte, etc.).

2. La formule MDRD (Modification of Diet in Renal Disease): elle tient compte de l’âge, du sexe et de la créatininémie. Un coefficient est appliqué pour les personnes d’origine afro-américaine. Elle permet d’obtenir un DFG normalisé sur la surface corporelle en ml/min/1,73 m2.

3. La formule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration): c’est une méthode nouvelle introduite en 2009. Elle est recommandée par la Haute autorité de santé (HAS) et son emploi s’est généralisé en France.

Les formules MDRD et CKD-EPI ont une fiabilité équivalente.

Le plus souvent, vos résultats d’analyses indiqueront le résultat obtenu selon les trois formules.

Tableau : clairance de la créatinine, un exemple de résultats sanguins chez un sujet normal

Dépistage : résultats d’analyses sanguines

Dépistage : quand soupçonner une insuffisance rénale chronique ?

Lorsqu’on constate que le débit de filtration glomérulaire est tombé en dessous de 60 ml/min/1,73 m² (quantité de plasma sanguin filtré par minute par les reins), cela signe une maladie rénale chronique.

Si une maladie rénale est effectivement suspectée, le diagnostic devra cependant être confirmé. Les examens seront à nouveau réalisés sous trois mois, si possible dans le même laboratoire.

Le cas échéant, le médecin prescrira des analyses complémentaires afin d’établir un bilan plus complet pour déterminer la cause de la maladie.

Une échographie rénale permettra de rechercher un éventuel obstacle à l’écoulement des urines ou des kystes.

Une analyse cytobactériologique des urines (ECBU) permettra de détecter une possible infection urinaire).

D’autres examens supplémentaires permettront, en fonction du contexte, d’identifier en particulier la cause de la néphropathie, le degré de l’atteinte rénale et les complications de celle-ci sur l’organisme : glycémie, exploration d’anomalies lipidiques, évaluation du nombre de globules rouges immatures dans le sang (réticulocytes), dosage des vitamine B12 et B9 et de la protéine C réactive en cas de suspicion d’anémie, évaluation de la concentration sanguine en acide urique (uricémie), bilan de la coagulation.

Dépistage : les 5 stades de l’insuffisance rénale chronique

L’AGGRAVATION DE LA FONCTION RÉNALE

L’insuffisance rénale chronique est graduée selon les stades 1 à 5, qui correspondent à une aggravation croissante de la fonction rénale :

Stade 1. Débit de filtration glomérulaire ≥ à 90 ml/min/1,73 m2 : fonction rénale normale.

Stade 2. Débit de filtration glomérulaire compris entre 60 et 89 ml/min/1,73 m2 : fonction rénale légèrement diminuée.

Stade 3. Débit de filtration glomérulaire compris entre 30 et 59 ml/min/1,73 m2 : fonction rénale légèrement modérée.

Stade 4. Débit de filtration glomérulaire compris entre 15 et 29 ml/min/1,73 m2 : fonction rénale légèrement sévère.

Stade 5. Débit de filtration glomérulaire < ml/min/1,73 m2 : insuffisance rénale terminale (dialyse ou transplantation)

À PARTIR DE QUAND DOIS-JE M’INQUIÉTER ?

Au stade 1, la maladie est latente, c’est-à-dire que les symptômes associés (par exemple, microprotéinurie, pré-hypertension) sont encore limités. Les reins fonctionnent à 90% de leur capacité.

Au stade 2, l’insuffisance rénale chronique n’est pas déclarée, même si le débit de filtration glomérulaire est anormalement bas. Les reins fonctionnent entre 60% et 89% de leur capacité. Un suivi de l’état de santé général est recommandé pour tenter de ralentir la détérioration de la fonction rénale.

La maladie rénale chronique aux stades 1 et 2 touche environ 8% de la population des pays occidentaux, avec des risques à terme de mortalité cardiovasculaire et d’insuffisance rénale chronique. Des traitements cardioprotecteurs et rénoprotecteurs sont donc nécessaires, ainsi que des précautions alimentaires (régime pauvre en protéines).

Au stade 3, l’insuffisance rénale chronique est déclarée même si un traitement supplétif n’est pas encore nécessaire. Les reins fonctionnent entre 30% à 59% de leur capacité. On constate l’apparition des premiers symptômes : fatigue, perte d’appétit, démangeaisons, etc.

Des examens supplémentaires sont alors pratiqués, dont des dosages du sodium, du chlore, des bicarbonates et du potassium, de la ferritine sérique, du fer sérique, de la transferrine, du calcium, du phosphore, afin de veiller à l’équilibre biochimique de l’organisme.

On parle alors de patients en pré-dialyse ou candidats à une greffe préemptive. A ce stade, un suivi médical et hospitalier peut être préconisé par le néphrologue consistant à inscrire le patient dans un programme d’éducation thérapeutique sur la base du volontariat. L’objectif de ces programmes est d’améliorer la qualité de vie des patients en leur proposant d’acquérir des compétences et une autonomie pour empêcher ou ralentir la dégradation de la fonction rénale. Le patient apprend à se familiariser avec la maladie, les possibles traitements, et suit des programmes éducatifs qui vont lui permettre de veiller à sa diététique et à sa nutrition. On veille notamment à les éduquer sur la réduction nécessaire d’apport en protéines dans l’alimentation et de certains minéraux (phosphore, potassium).

Au stade 4, l’insuffisance rénale chronique est sévère, avec une détérioration grave de la fonction rénale, entre 15% et 29% de sa capacité. Le patient commence à être orienté et préparé pour pouvoir accéder à un traitement de substitution par dialyse ou transplantation rénale.

Au stade 5, l’insuffisance rénale chronique est dite terminale, avec une détérioration très grave de la fonction rénale. Les reins fonctionnent alors à moins de 15% de leur capacité, mettant en danger la vie du patient. Un traitement de suppléance par dialyse ou greffe rénale est alors une question impérative de vie ou de mort.