L’intelligence artificielle au secours du rein

Article publié le 26 novembre 2021

L’intelligence artificielle avance dans tous les domaines. Elle peut parfois faire peur, mais il est des pans entiers de la science où son apport s’avère passionnant. La médecine est l’un de ses axes de développement privilégiés. Preuve de l’intérêt des néphrologues pour ces avancées : le premier congrès « IA et néphrologie » a eu lieu début 2021, en virtuel, bien sûr. Petite revue de quelques projets notables développés ces dernières années dans ce domaine, ou en développement.

Le nez électronique qui détecte l’insuffisance rénale

La preuve du lien entre la présence de composés organiques volatils (COV) dans l’air expiré par une personne et son état métabolique date des années 70. Grâce à un ensemble de capteurs, les nez artificiels sont capables d’analyser l’air expiré de façon non invasive, facilitant le diagnostic des maladies à un stade précoce. La détection de l’insuffisance rénale, maladie silencieuse, coûte très cher car elle passe par des tests sanguins ou urinaires complexes, réalisés en milieu hospitalier. Les capteurs dont il est question ici détectent les traces d’un biomarqueur d’insuffisance rénale chronique, l’ammoniac, dans l’haleine des patients. Si sa concentration est supérieure à 1,6 ppm, elle caractérise une insuffisance rénale. Inférieure à 1,1 ppm, elle correspond à une personne saine. Autre avantage non négligeable : un coût quasi nul, les capteurs en polymères, réversibles, revenant à leur état initial après avoir réagi avec une molécule organique de l’haleine.

L’ensemble est miniaturisé (de la taille d’un téléphone portable) et donne un résultat immédiat. De quoi en faire un atout maître en consultation. Le concept est encore à l’étude car il faudra pouvoir identifier environ une dizaine d’autres COV pour s’assurer de la fiabilité du diagnostic, mais les chercheurs espèrent finaliser leur travail courant 2022.

Déceler une insuffisance rénale aiguë 48 heures avant sa survenue

Un modèle algorithmique conçu par Deepmind, filiale de Google, semble capable de détecter l’insuffisance rénale aiguë 48 heures avant qu’elle ne survienne. Durant les essais cliniques, l’algorithme, entraîné à l’aide d’une base de données de 703 782 patients, a permis de prédire 55,8 % de tous les épisodes de lésions rénales aiguës survenus chez des patients hospitalisés et 90,2 % de toutes les lésions rénales aiguës ayant nécessité une dialyse.

Testé au Royaume-Uni via une application, l’utilisation de cet algorithme a permis aux médecins de prodiguer des soins appropriés en moins de 15 minutes et a réduit le taux d’erreur. Permettre un traitement précoce, éviter le recours à des procédures plus invasives comme la dialyse rénale, des atouts certains pour cet algorithme qui pourrait également, par la même occasion, générer des économies substantielles.

Prédire l’avenir d’une greffe rénale

Voici un outil démontrant l’intérêt des algorithmes et de l’intelligence artificielle dans le domaine médical. Les taux de rejet tardif du greffon après transplantation rénale n’ont que peu diminué depuis 20 ans. Une vraie problématique à laquelle se sont attaquées deux équipes de recherche françaises. Une étude internationale a été diligentée pour mettre au point et évaluer le premier algorithme universel de prédiction du risque de perte du rein greffé. Deux perspectives majeures : améliorer le suivi de chaque patient et optimiser le développement de nouveaux traitements immunosuppresseurs. Pour ce faire, les chercheurs ont répertorié et exploité les données cliniques, histologiques, immunologiques et fonctionnelles de 7 500 patients européens et américains, greffés rénaux, suivis sur plus de 10 ans. L’algorithme ainsi conçu a ensuite été testé et validé sur 3 557 patients en intégrant 8 paramètres associés au risque de perte d’un greffon dans les 10 années qui suivent une transplantation rénale. Les deux volets de l’étude ont permis de conclure à la fiabilité des prédictions de l’outil et ainsi de prévoir l’avenir d’une greffe de rein.
Le même algorithme, adapté, pourrait trouver d’autres applications, en particulier dans les transplantations cardiaques et les maladies cardiovasculaires.

Le rein bioartificiel

Autre projet passionnant. L’équipe du Kidney Project de l’UCSF (Université de Californie San Francisco) a mis au point un rein bioartificiel dans le but de l’implanter chez un patient. L’avantage en serait, bien évidemment, qu’il ne nécessite pas de traitement immunosuppresseur ou d’anticoagulant. Le dispositif se compose de deux parties principales, l’hémofiltre et le bioréacteur. L’hémofiltre est constitué de membranes semi-conductrices qui éliminent les déchets du sang. Le bioréacteur contient des cellules tubulaires rénales modifiées, qui régulent le volume d’eau, l’équilibre électrolytique et d’autres fonctions métaboliques. Les membranes protègent également ces cellules contre les attaques du système immunitaire du patient. Ce rein bioartificiel a été relié, lors d’un test, à deux artères principales d’un patient (une qui transporte le sang à filtrer et l’autre qui le réinjecte dans le corps) ainsi qu’à la vessie, où les déchets ont été déposés sous forme d’urine. Ce rein bioartificiel fonctionne sous la seule pression sanguine, sans pompe ni source d’énergie externe, comme les chercheurs ont pu le démontrer lors d’expériences de validation de concept. Les cellules des tubules rénaux ont survécu et continué à fonctionner tout au long du test. Bien sûr, cela ne suffit pas, et il faut aujourd’hui évaluer la durée de vie du dispositif et surtout la pérennité de son fonctionnement sur le long terme. Mais l’objectif est bel et bien de reproduire la qualité de vie des personnes ayant bénéficié d’une greffe de rein (« référence » dans le traitement des maladies rénales), mais aussi d’éviter la prise d’immunosuppresseurs.

De belles avancées en somme, dont on espère qu’elles seront mises à disposition des praticiens et des patients très prochainement. 

Sources

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