Dr Florence CHALMIN, néphrologue au Centre de Néphrologie d’Antibes & Élodie BION, diététicienne au Centre de Néphrologie d’Antibes
Ce forfait MRC va dans le bon sens. Il nous permet de donner du temps paramédical aux patients au cours duquel ils posent souvent des questions qu’ils n’osent pas aborder avec leurs médecins. Cela répond à un vrai besoin. Leurs retours sont très bons. Ils sont rassurés de bénéficier d’une prise en charge adaptée et dans une unité de lieu qu’ils connaissent. Avec l’infirmière et la diététicienne, nous avons créé des contenus pour ces consultations, mais ce sont les patients qui font le rendez-vous avec leurs questions et leurs besoins. Dans un cadre standardisé, nous offrons une réponse individualisée.
Bien que ce forfait soit qualifié de préventif, il est pour moi un traitement parmi les autres. Au côté de traitements médicamenteux, existent des traitements d’accompagnement : bien manger est un traitement, comprendre et adapter son comportement à sa maladie aussi.
Un énorme effort de communication est à faire en direction des patients, et aussi des professionnels de santé pour les impliquer davantage et pouvoir proposer le forfait au plus grand nombre.
Avant d’être stoppés par le Covid, nous avions planifié des ateliers d’activité physique adaptée. Nous souhaitons aussi impliquer notre psychologue et aller plus loin. Il faut pour cela identifier les acteurs nécessaires et motivés, puis trouver la bonne organisation car cette approche prend du temps. Cela nous fait très plaisir d’avoir mis ce forfait en place et nous espérons le développer davantage.
Le point de vue d’Élodie Bion, diététicienne
Comme toute nouveauté, le forfait MRC s’est mis en place avec certaines difficultés, notamment en période de crise sanitaire.
La réussite de ce forfait repose sur la volonté des patients d’approfondir le suivi de leur maladie chronique. Nous rencontrons des difficultés à recruter les patients qui hésitent à revenir dans un établissement de santé dans le contexte d’épidémie de la Covid. Cela demande des efforts de communication pour réussir à les faire venir une première fois. Pour cela, nous sensibilisons régulièrement les secrétaires, qui sont d’excellents relais, les médecins, nous diffusons des plaquettes d’information dans les salles d’attente, nous contactons également par téléphone les patients éligibles. Nous insistons sur l’intérêt de ces consultations pour retarder la suppléance.
Quand les patients arrivent aux consultations diététique et infirmière, ils ne savent pas à quoi s’attendre. La prévention, en particulier la nutrition, est quelque chose de nouveau pour eux qui ne connaissent pour beaucoup que le versant purement médical de leur pathologie. Ceux que nous accueillons dans le cadre de ce forfait sont des patients hors de nos circuits habituels. Les consultations de diététique étant payantes, peu s’y intéressaient. J’ai reçu en consultation une dizaine de patients insuffisants rénaux (non dialysés) dans les trois, quatre dernières années. Grâce à la mise en place du forfait dans notre structure, ils sont vingt fois plus nombreux à consulter aujourd’hui. En intégrant une consultation de diététique dans un forfait, le patient comprend qu’il doit davantage s’impliquer, cela nous donne une forte crédibilité.
Nos conseils en nutrition sont très patient dépendant. À partir d’un relevé de consommation alimentaire des trois derniers jours, nous pouvons déjà identifier leurs habitudes et les points sur lesquels travailler ensemble. Nous prenons vraiment le temps de les laisser s’exprimer tout au long de la consultation, ce qui nous permet d’évaluer leur niveau de connaissance en nutrition et d’identifier les limites aux changements – qui peuvent être d’ordre financier, culturel, ou dues à un manque d’autonomie… -, afin de fixer ensemble des objectifs raisonnables et atteignables pour le patient. L’idée n’est pas de les mettre en échec en cherchant à leur imposer une « diététique parfaite », mais de les encourager à se prendre en charge d’un point de vue nutritionnel et d’en observer les impacts positifs. Les conseils sont donc adaptés à la réalité de chacun et peuvent être très différents.
Il est prématuré de tirer un bilan précis mais je ne peux que conclure positivement. Les patients en ressortent satisfaits, soulagés d’avoir des réponses à leurs interrogations, et avec de nombreuses clés en main pour retarder l’échéance de la dialyse. Ces patients démarreront probablement une dialyse dans notre centre et ces rendez-vous permettent également de leur faire rencontrer l’équipe, se familiariser avec les lieux, afin de rendre leur entrée en dialyse moins brutale.