Compléments alimentaires et reins : pas forcément une bonne idée

Article publié le 07 septembre 2021

58 % des français disent consommer régulièrement ou avoir déjà consommé des compléments alimentaires : vitamines, minéraux, oligo-éléments, protéines, acides aminés ou encore produits de phytothérapie. L’offre est en effet pléthorique, que ce soit en parapharmacie, en grande surface, dans les magasins bio ou sur le net. Les français (et pas seulement les français…) sont très friands de ces compléments échappant à la réglementation et jugés plus naturels et inoffensifs que les médicaments. Inoffensifs ? Pas si sûr, surtout si l’on souffre déjà d’une maladie rénale…

Une consommation de compléments alimentaires en hausse

Selon la définition du Parlement européen, les compléments alimentaires sont « des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés… ». Certaines personnes ont des besoins accrus ou des déficits d’apport (femmes enceintes, enfants, personnes âgées, régimes alimentaires spécifiques, tels que vegan ou personnes ne consommant aucun poisson ou crustacé…). Pour rééquilibrer leurs apports, les compléments alimentaires sont utiles voire nécessaires, mais le mieux est alors de consulter un professionnel de santé.

Chez les autres personnes, de manière générale et en l’absence de pathologie, les besoins nutritionnels sont couverts par une alimentation variée et équilibrée. Pourtant, la consommation des compléments alimentaires augmente régulièrement : + 1,9% en 2020 et même + 16% en vente à distance selon Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires. Si certains demandent l’avis d’un médecin, beaucoup les achètent spontanément. Les consommateurs sont principalement adultes, mais entre 15 à 20% des enfants sont également concernés. Le profil type du consommateur est une femme, âgée de 18 à 44 ans, avec un niveau d’étude élevé.

Des motivations variées, des efficacités indéterminées

Ces vitamines, minéraux ou autres sont ainsi consommés dans le but d’améliorer la santé, de traiter ou de prévenir des maladies, mais aussi de doper les performances sportives, d’améliorer la silhouette, de faciliter la digestion, de lutter contre le stress et la fatigue, de stimuler les fonctions cognitives, de renforcer le bronzage ou encore de réguler le sommeil. La liste est longue et à chaque problème son complément alimentaire ! Pourtant, ce ne sont pas des médicaments et ils ne peuvent revendiquer aucun effet thérapeutique. Leur commercialisation n’est pas soumise à l’aval des autorités de mise sur le marché des médicaments : leur efficacité et leur sécurité sont ainsi difficiles à évaluer. Leur qualité aussi est en cause, car beaucoup de compléments sont désormais achetés sur Internet avec une traçabilité quasi impossible.

Les compléments alimentaires dans le cas du rein malade

Même avec des produits de qualité, la prudence est néanmoins conseillée. En l’absence de pathologie rénale, une cure courte ne pose pas de problème. Mais une prise au long court d’un ou plusieurs compléments peut entraîner des dommages sur la fonction rénale. Quel que soit le risque lié à la prise des compléments, celui-ci sera majoré en présence d’un rein malade. Mais encore faut-il que la pathologie rénale ait été diagnostiquée. Celle-ci peut être, on le sait, extrêmement silencieuse lors de son développement. Un certain nombre de substances sont reconnues comme étant potentiellement néfastes pour le rein, dont certaines sont largement répandues.

Avis aux amateurs de sport et de minceur

La créatine est utilisée par les sportifs amateurs et professionnels pour sa capacité à mobiliser l’énergie pour les efforts explosifs et la musculation. Quelques cas répertoriés chez l’homme suggèrent une néphrotoxicité en cas d’atteinte rénale chronique, ce qui devrait décourager son utilisation dans ce cas. De nombreux essais ont démontré qu’une baisse de la consommation de protéines à 0,6 g/kg/jour diminue la progression de la maladie rénale chronique et réduit de 30% la nécessité de débuter un programme de dialyse. A l’inverse, en consommant environ 90 g de protéines par jour (avec des compléments alimentaires hyperprotéinés, par exemple), le risque de déclin de la filtration glomérulaire est trois fois plus élevé chez les personnes avec insuffisance rénale moyenne que chez celles qui ont une fonction rénale normale.

Par ailleurs, des gélules amaigrissantes à base d’extraits de racines de plantes chinoises ont induit une néphropathie aux acides aristolochiques connue sous le nom de « néphropathie aux herbes chinoises », décrite il y a plus de vingt ans, avec de plus, une augmentation dose-dépendante du risque de cancérisation. Ces herbes, largement utilisées en médecine traditionnelle chinoise, japonaise ou indienne, continuent à circuler via des sites web, malgré un avertissement de la FDA (Food and Drug Administration).

Attention, même aux substances courantes

Tous les compléments nutritionnels de phytothérapie sont à écarter en cas de pathologie rénale, tout comme le magnésium, le potassium, le zinc et le sélénium, ou encore les comprimés pour alcaliniser les urines. La vitamine C, en tant qu’anti-oxydant, est fréquemment utilisée pour prévenir la grippe et les maladies cardio-vasculaires, bien que l’apport quotidien recommandé soit généralement couvert par une alimentation équilibrée. Une surconsommation (à partir de 500mg/j pris de façon régulière) peut s’avérer dangereuse car elle est métabolisée en oxalate, susceptible de précipiter en cristaux d’oxalate de calcium dans les tubules rénaux, pouvant entraîner une insuffisance rénale aiguë.

La racine de réglisse contient de la glycyrrhizine, qui peut induire hypertension artérielle, hypokaliémie et alcalose métabolique et là aussi, entraîner une insuffisance rénale aiguë. Plus de 30 cas d’insuffisance rénale secondaires au germanium (utilisé contre le cancer) ont été décrits depuis 1980. D’autres substances ont très occasionnellement été associées à une néphrotoxicité : l’éphédra, le cranberry (canneberge, utilisée notamment pour lutter contre les infections urinaires à répétition), la yohimbine, la L-lysine, l’artemisia absinthium (absinthe), la larrea tridentate et le chrome. Bien que la toxicité de la vitamine D soit rare, sa large disponibilité dans différentes formulations en vente libre peut présenter un risque pour les patients non informés (incidence des calculs rénaux).
On le voit, même des produits qui semblent bien anodins au grand public peuvent s’avérer délétères. Pas de panique néanmoins, les cas sont rares et concernent essentiellement les consommations régulières et/ou excessives. La vigilance reste néanmoins de mise en cas de maladie rénale. Parlez en à votre Néphrologue ou votre médecin traitant.

Sources

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