La xénotransplantation, une révolution médicale !

Les listes toujours plus longues de patients en attente de greffe sont un problème de santé publique majeur. Selon les données publiées par l’Observatoire mondial des dons et de la transplantation, plus de 150 000 greffes d’organes sont réalisées chaque année dans le monde mais cela couvre malheureusement moins de 10% des besoins. Et si la xénotransplantation était une alternative novatrice pouvant aider à résoudre la pénurie mondiale d’organes ? Certains travaux de recherche récents sur la greffe de reins de porcs génétiquement modifiés chez l’homme laissent entrevoir cette possibilité. Nous vous apportons un éclairage sur cette avancée médicale potentielle.

Les reins et le foie sont les organes les plus transplantés. On recense notamment plus de 100 000 greffes de rein chaque année dans le monde. Cela reste malheureusement insuffisant pour les plus de 5 millions de patients sous dialyse. Mais le recours à la xénotransplantation pourrait, peut-être, dans un futur proche, contribuer à pallier le manque d’organes humains.

Qu’est-ce que la xénotransplantation ?

Cette technique médicale consiste à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur. Plus précisément, il s’agit de greffer des organes d’animaux dans un organisme humain. Cette perspective permettrait alors à de nombreux patients, notamment sous dialyse et en attente d’un rein, de pouvoir être greffé dans des délais beaucoup plus réduits.

Quelques dates historiques clés concernant cette approche

  • Le début du XXe siècle marque le lancement des premières expériences de la xénotransplantation de rein. Ces premiers essais se soldent par des échecs, avec des patients qui ne survivent pas plus de seize jours.
  • En 1960, d’autres essais sont conduits. Keith Reemtsma à la Tulane University en Louisiane, fait l’hypothèse que des reins de primates non-humains pourraient fonctionner chez des bénéficiaires humains et pourraient être un traitement efficace pour l’insuffisance rénale.

Du fait de ses nombreuses similarités physiologiques et morphologiques, les organes du porc constituent un axe de recherche intéressant. Toutefois, leur utilisation a été jusqu’à il y a peu, limitée par les barrières immunologiques inter-espèces, responsables d’un phénomène de rejet hyper aigu, entraînant la perte du greffon en quelques minutes.

  • Fin 2021, les premières xénotransplantations de reins de porcs génétiquement modifiés (afin qu’ils n’expriment pas le xénoantigène alpha-1,3-gal) ont été réalisées avec succès aux États-Unis, chez des receveurs humains. Il s’agissait de patients en état de mort encéphalique, pour lesquels la famille et les comités éthiques avaient donné leur accord pour maintenir artificiellement la circulation sanguine afin de réaliser ces transplantations.

Forts des constats tirés de ces premières expériences, une nouvelle découverte médicale est réalisée.

En août 2023, l’équipe du Professeur Alexandre Loupy, néphrologue et directeur de l’Institut de Transplantation de Paris (Pitor), issu de l’Inserm, de l’Université Paris Cité et de l’AP-HP, a publié, en collaboration avec l’Institut Langone Health (New York, États-Unis), dans la revue scientifique The Lancet, les résultats de leur étude portant sur les mécanismes en jeu lors du rejet survenant après une greffe de reins de porcs génétiquement modifiés chez l’homme.

Au cours de leurs travaux de recherche, ils ont notamment collaboré avec l’équipe américaine ayant effectué en 2021 des essais sur des patients en état de mort encéphalique. Ils ont ainsi eu accès aux biopsies de ces xénogreffes et ainsi pu conduire et développer les versants histologique, immunologique et transcriptomique de cette recherche collaborative.

Une découverte majeure

Ils ont identifié des solutions thérapeutiques visant à prévenir ces rejets, ainsi que les modifications génétiques à apporter aux modèles porcins pour améliorer la tolérance des organes. En effet, chez les porcs, certains gènes sont à l’origine de la fabrication d’enzymes responsables de la formation de xénoantigènes. Une fois présents dans l’organisme humain, induisent une très forte réaction immunitaire du receveur, réaction à l’origine des rejets des greffons de reins porcins. Grâce à ces nouvelles biotechnologies, il serait désormais possible de supprimer ces gènes porcins spécifiques, ce qui permettrait de réduire considérablement le risque de rejet hyperaigu.

« Ces découvertes viennent conforter les progrès réalisés depuis dix ans dans ce domaine où tout s’accélère, au point que la xénotransplantation est devenue un sujet majeur dans le monde des greffes d’organes, ouvrant un champ des possibles pour résoudre un jour la pénurie d’organes dans le monde« , précise le Pr. Alexandre Loupy, coauteur de l’étude.

Cette étude ouvre des perspectives prometteuses pour la transplantation future de reins de porcs génétiquement modifiés chez des receveurs humains, avec une survie potentiellement acceptable des greffons à long terme. Les découvertes de ce travail ont été identifiées comme majeures par le National Institutes of Health (NIH), qui conçoit actuellement les futurs essais cliniques, et mettent en lumière les avancées de la France, en particulier de la communauté hospitalo-universitaire, dans le domaine de la xénotransplantation.

Sources :

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