Interview de Jeanne Loyher

Interview de la newsletter n°19 du 21 avril 2023

Jeanne LOYHER, directrice régionale des sociétés de dialyse de La Réunion et Mayotte

 

Jeanne Loyher est également directrice générale de Enova (organisme de formation), membre de la commission de certification des établissements de santé de la HAS et membre du conseil d’administration de la Fédération des entreprises des outre-mer.

Former, accompagner et rayonner

Sur les 1 700 personnes dialysées à La Réunion, 650 sont prises en charge dans nos trois centres de dialyse, dont 80 en UDM et le reste en centre lourd, soit 100 000 séances de dialyse par an. Pour répondre à la croissance de la demande (+ 20 % chaque année), nous venons d’ouvrir 8 postes à l’ouest et 8 dans le nord. 55 % de nos patients étant comoriens, nous travaillons à installer des centres aux Comores. Nous vivons des choses incroyables qui nous poussent à l’action. Nous rayonnons à l’international sur des territoires où nous sommes attendus. La demande de dialyse grandissant, nous adaptons, imaginons des solutions et formons les personnels.

Un infirmier nécessite six semaines de formation en binôme pour être autonome. Soit entre 280 et 300 000 euros par an consacrés à la formation. C’est pourquoi, à La Réunion, Enova (centre de formation promoteur de compétence) propose un DU de dialyse en ligne ou en présentiel pour alimenter les centres des Seychelles, Comores, Dakar, Madagascar ou Maurice…

À Mayotte, nos trois centres de dialyse prennent en charge 300 patients, chiffre élevé pour une île de cette taille. La rudesse des conditions de travail font qu’avec l’ARS – pour accroître compétences et capacité d’adaptation – nous avons élaboré un réseau entre La Réunion et Mayotte. Tous les mois, quatre personnes partent à Mayotte. Une manière de proposer mobilité et formation à notre personnel. Ce système sera utilisé avec le Mozambique avec qui nous allons travailler.

Enfin, ces zones étant touristiques, nous développons une offre de soins pour les patients des pays européens, qui passe par une préparation du personnel. Les protocoles de prise en charge sont identiques dans tous les centres et nous travaillons actuellement à un accueil en dialyse sur l’île Maurice.

Bien que nous soyons inventifs, nous avons l’impression que nous ne le sommes jamais assez… Cependant, notre perpétuel développement intéresse communautés de communes et ministères des pays d’accueil, qui nous sollicitent. Nous sommes fiers de ces réalisations. Nos équipes mobiles reproduisent un processus qui, tel un label, allie qualité de prise en charge, développement durable et accès à l’autonomie.

Respect de la planète et de la personne

Les centres à La Réunion sont certifiés ISO 9001, certification que nous repassons tous les ans en juin. Le centre de Mayotte a obtenu le trophée de l’eau qui est récupérée pour arroser et pour les sanitaires – et le trophée FHP Innovation pour un processus accéléré d’installation des fistules, en collaboration avec le centre hospitalier.

Comme une séance de dialyse produit 1,4 kg de déchets Dasri, nous les retraitons pour en faire des galettes. Ce procédé, élaboré en collaboration avec l’ADEME, et que nous sommes les premiers à avoir mis en place, rassemble et compresse les déchets en fin de séance, pour réduire le volume des poubelles et gagner sur leur évacuation.

Pour Dakar, le centre de dialyse que nous ouvrirons en fin d‘année sera le fleuron de la dialyse verte : récupération de l’eau, énergie solaire, vitrage pour protéger de la chaleur, sols respectueux de l’environnement et compactage des déchets Dasri.

Notre management utilise des méthodes canadiennes qui supposent un travail en équipe pour échanger, assimiler les informations et prévoir un temps  pour analyser le retour d’expérience de chacun.

Enfin, notre métier inclut les actions de promotion de la prévention pour les patients de stade 4 et 5 et le grand public. Pour les personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique, ce sont plus de 250 consultations avec diététiciens, psychologues, coordinateurs et néphrologues. Elles permettent d’évaluer le flux de patients à venir. Cette prévention concerne les 280 patients en attente de dialyse à La Réunion ou à Mayotte et 5 008 patients à Dakar.

La prévention auprès du grand public, inclue dans la certification, s’organise lors de la Journée du Rein, tous les ans à l’entrée de la Clinique Sainte-Clotilde de La Réunion, où nous réalisons des diagnostics de diabète. À Mayotte, avec le soutien de l’ARS et en collaboration avec les associations de patients, nous proposons 4 jours de portes ouvertes.

La dialyse, telle que nous la pratiquons à La Réunion, dans les îles de l’océan Indien et certains pays d’Afrique, se doit de proposer des solutions innovantes et reproductibles, au vu de l‘insularité. Les conditions climatiques et les infrastructures (rupture d’approvisionnement en eau et électricité) nécessitent la mise en œuvre de plans de gestion de crise, hors normes. Nous avons ensuite à cœur de partager notre savoir-faire avec Mayotte, Madagascar, les Seychelles, les Comores, Dakar, Maurice…

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